MARKETING 2.0 vs 10.0

Pierre Célier, professeur en CPGE-ECT à Nice
Document mis à jour le 08/03/2015
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SOMMAIRE :
INTRODUCTION : l’émergence du marketing 2.0
L’INCIDENCE DU NUMÉRIQUE SUR LE MARKETING STRATÉGIQUE
L’incidence du numérique sur la relation client
Marketing relationnel vs marketing transactionnel
Marketing individualisé vs marketing de masse
L’incidence du numérique sur la stratégie de segmentation et le ciblage
Conclusion 1 : Les défis posés par l’économie collaborative
L’INCIDENCE DU NUMÉRIQUE SUR LE MARKETING OPÉRATIONNEL
Politique de produit et Internet des Objets
Politique de prix et yield management
L’introduction du numérique dans les points de vente traditionnels
Les enjeux du passage d’une stratégie multicanal à une stratégie cross-canal
L’irruption du numérique dans le mix de communication
Vers une nouvelle forme d’intermédiation de la relation client ?
Le marketing viral
Conclusion 2 : les nouveaux métiers du marketing et de la relation client
CONCLUSION : vers l’avènement d’un marketing 10.0 ?
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INTRODUCTION : l’émergence du marketing 2.0

La notion (discutable !) de « marketing 2.0 » (ou marketing digital) fait généralement référence à un marketing mettant à profit les technologies numériques de l’information et Internet.
L’émergence de cette notion est, bien entendu, liée au développement massif et intensif de l’usage des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) favorisé par des terminaux de plus en plus nomades et omniprésents (ordinateurs, portable, tablettes, smartphones, montres connectées, etc.). Toutefois, pour être plus précis, elle nous semble, plus particulièrement, indissociable de 2 concepts clés : le web 2.0 et le « Big data » (mégadonnées).

Pour exprimer l’évolution qu’a connue le Web, on utilise généralement les termes suivants :

  • Web 1.0 : web des années 90 caractérisé essentiellement par des pages web liées entre elles par des liens hypertextes. Il est donc orienté vers la simple consultation d’informations.
  • Web 2.0 : web des années 2000 caractérisé par l’émergence des blogs, wikis, forums de discussion agrégeant des communautés et, plus récemment, par l’avènement des réseaux sociaux. Il est donc orienté vers l’interaction et promeut l’intelligence collective.
  • Web 3.0 : « web du futur », aux contours encore mal définis… Suivant les auteurs, celui-ci pourrait se caractériser par l’émergence du « web sémantique » (système permettant aux machines de « comprendre » et répondre aux demandes complexes de l’homme en fonction du sens de ces demandes, ce qui exigera une nouvelle structure sémantique des données) et/ou de « l’internet des objets » (objets au service des personnes qui communiquent avec des serveurs par l’intermédiaire de capteurs grâce à Internet) et/ou « l’internet 3D » (fusion de l’Internet classique avec l’Internet mobile et l’Internet des objets) et/ou l’avènement d’une  » économie collaborative« .

L’avènement du Web 2.0 (sites personnels, blogs, réseaux sociaux, etc.) et l’émergence des « objets connectés » se traduisent par une multiplication colossale des informations transitant par Internet.
On qualifie de « Big Data«  (mégadonnées) ces données qui se caractérisent par la « règle des 3 V » sachant qu’elles sont Volumineuses (selon IBM, déjà plus de 2,5 trillions d’octets transitaient chaque jour sur le web en 2014), Véloces (elles se forment et doivent être traitées à grande vitesse) et Variées (données structurées ou non, aux sources et formats très hétéroclites)… Certains auteurs parlent de « règle des 4 V » sachant qu’elles doivent également être Véridiques (la prise en compte de données incorrectes pouvant biaiser les résultats de leur analyse).
Ces données constituent un immense gisement de valeur pour les entreprise capables de les exploiter, que ce soit dans la perspective de comprendre chaque client individuellement (par agrégation des données le concernant), pour découvrir ou anticiper la totalité de ses attentes même non exprimées (par analyse de l’ensemble des data) ou, côté opérationnel, pour optimiser de manière dynamique le pilotage de sa chaîne de valeur.
Considérée comme « l’or noir de l’économique numérique », ces données ont toutefois besoin d’être récoltées, stockées et analysées. Or compte tenu de leur volume et de leur hétérogénéité, il n’est pas possible de les traiter avec les outils traditionnellement utilisés pour la gestion des bases de données. Le défi actuel du « Big Data » réside donc dans la mise au point d’outils permettant leur stockage (data-centers et cloud), leur protection (sécurisation et cryptage) et leur exploitation (analyse prédictive)… Tout en respectant le cadre réglementaire en matière de protection des données à caractère personnel (ce qui paraît délicat sachant que d’après la loi “Informatique et Libertés” les données personnelles ne peuvent être collectées et traitées que pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et que leur durée de conservation ne doit pas excéder le temps nécessaire à l’atteinte des objectifs pour lesquels elles sont collectées !).

Pour certains le marketing 2.0 correspond à un bouleversement du marketing traditionnel dont la démarche et les outils ne seraient plus adaptés face à un « consom’acteur » qui, grâce aux outils du web 2.0, a reconquis du pouvoir face aux marques. Il conduirait donc à un renouvellement complet de ses fondements (passage d’un « marketing transactionnel » à un « marketing relationnel », ou d’un « marketing réactif » à un « marketing interactif »).
Pour d’autres, au contraire, le marketing 2.0 consiste seulement à adapter le marketing traditionnel aux nouvelles possibilités et contraintes générées par le web 2.0.
Sans chercher à trancher ce débat, notre objectif ici est de faire le point sur l’incidence du numérique sur la démarche mercatique, que ce soit au niveau stratégique ou opérationnel.

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L’INCIDENCE DU NUMÉRIQUE SUR LE MARKETING STRATÉGIQUE

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L’incidence du numérique sur la relation au client

L’irruption des nouvelles technologies dans les relations clients-entreprises a contribué à un renforcement des relations de concurrence intra-sectorielle. En effet, grâce à technologies, il devient de plus en facile au client de rechercher, trouver et adopter un nouveau fournisseur.
Dans ce contexte, les entreprises ont pris conscience qu’il était généralement plus rentable de fidéliser les clients actuels que d’en prospecter de nouveaux et que ces mêmes technologies pouvaient les y aider, sachant qu’elles leur offrent également des moyens de mieux cerner leurs besoins, goûts et attentes.
Ceci explique le développement de la Gestion de la Relation Clients (GRC ou Customer Relationship Management, CRM) qui vise justement, à travers une pluralité de canaux de contact, à mieux connaître et satisfaire des clients identifiés par leur potentiel d’activité et de rentabilité, dans la perspective d’établir une relation durable avec ceux-ci et, ainsi, d’accroître le chiffre d’affaires et la rentabilité de l’entreprise.
Il ne s’agit donc pas, à proprement parler, d’une application ou d’une technologie, mais plutôt d’une stratégie qui place le client au cœur des systèmes d’information et d’action de l’entreprise :

GRC
Source : « Management de la relation client », P. Alard (Microsoft Executive Summit)

La mise en place d’une GRC passe par 5 étapes clefs :

  1.  identifier les clients en collectant des informations pertinentes
  2. ‚ segmenter la clientèle à travers une base de données clients, en fonction des attitudes et des comportements observés (historique d’achat) mais également en fonction de leur potentiel d’achat
  3. ƒ adapter en conséquence le service et la communication auprès des clients de façon large (segments), plus précise (micro-segments) ou individualisée
  4. „ échanger avec les clients dans une démarche soit réactive (répondre aux prises de contacts), soit proactive (contacter et dialoguer avec les clients)
  5. … évaluer les politiques menées et les interactions obtenues pour adapter le processus et enrichir la base de données

La GRC s’appuie généralement sur des outils technologiques permettant de recueillir et traiter une grande masse de données sur les clients, de diffuser cette information aux services concernés et d’automatiser une partie des échanges… Mais la GRC ne se réduit pas à ces outils : c’est un projet global qui nécessite souvent des changements profonds dans les structures et processus de l’entreprise ainsi que dans les compétences et comportement de ses équipes (non seulement dans les services commerciaux, mais également dans l´ensemble de l’organisation).
Sa mise en place impose, donc, une réorganisation de l’entreprise toute entière et suppose un projet de conduite du changement avec une implication forte de la direction générale.

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Marketing relationnel vs marketing transactionnel

On qualifie de marketing relationnel (relationship marketing) la démarche destinée à établir des relations individualisées et interactives avec les clients, en vue de créer et d’entretenir chez eux des attitudes positives et durables à l’égard d’une entreprise ou d’une marque, voire de les associer à la vie de l’entreprise ou de la marque.

Le marketing relationnel s’oppose au marketing transactionnel dont l’objectif principal est de déclencher la vente, notamment au moyen d’actions de marketing direct (certains auteurs assimilent, peut-être un peu vite, marketing « traditionnel » et marketing transactionnel).
Au contraire, dans le marketing relationnel, l’objectif n’est plus uniquement de vendre de façon ponctuelle des produits ou des services, mais également de fidéliser les clients et d’optimiser leur valeur. Il s’agit de créer, maintenir et valoriser une relation commerciale sur le long terme, où l’entreprise cherche à faire passer ses clients, le long d’un continuum, de l’état de prospect à celui de client, de client occasionnel à celui de client assidu, de consommateur à celui d’ambassadeur.
À ce titre, une politique relationnelle doit d’appuyer sur deux préoccupations complémentaires : stimuler les ventes et créer et nourrir une relation intellectuelle et émotionnelle à la marque (elle s’appuie pour cela sur la règle des « 3 R »: récompense, reconnaissance, romance).

Les progrès réalisés en matière de technologie de l’information et de la communication ont largement contribué à la diffusion de ce type de marketing du domaine du « BtoB » (où il a toujours été assez répandu) à celui du « B oC » (où, jusqu’alors, le nombre et la dispersion des clients rendaient difficile l’établissement de relations personnalisées).
Il est d’ailleurs intéressant de remarquer à ce propos que si, historiquement, la notion de « réponse au client » était centrale dans le marketing relationnel, elle tend désormais à être supplantée par la notion de « dialogue » grâce à l’interactivité permise par le web 2.0.
De même, les nouveaux outils disponibles (historique de navigation, cookies, réseaux sociaux, etc.) contribuent non seulement à mieux identifier le client sur le plan socio-démographique, mais également à mieux le connaître et le comprendre et, donc, à favoriser la mise en place de relations personnalisées avec celui-ci.

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Marketing individualisé vs marketing de masse

Traditionnellement la démarche marketing repose sur la définition préalable d’une cible définie en termes de marché (stratégie indifférencié) ou de segment de marché (stratégie concentrée ou différenciée suivant le nombre de segment retenu), mais suffisamment large pour permettre la standardisation de la production et la baisse de son coût unitaire de production (marketing de masse).
Partant du constat qu’il est généralement plus rentable de fidéliser un client acquis que d’en conquérir un nouveau et que les offres promotionnelles ne permettent que de capter temporairement des clients nomades, le marketing individualisé (marketing one to one) propose de rechercher la fidélisation de ses clients grâce à un processus continu de personnalisation des produit/services offerts par l’entreprise.
Cette démarche impose donc une connaissance extrêmement fine des besoins (actuels et futurs) de chacun de ses clients. À ce titre, le développement du web 2.0, les progrès réalisés en matière d’analyse des données ainsi que le développement des objets connectés ont largement contribué à la mise en place pratique d’un marketing individualisé.

Dans la mesure où l’information recueillie (automatiquement ou non, par le biais d’objets connectés ou de procédures ad-hoc) auprès du consommateur est, effectivement, systématiquement traitée et exploitée par l’entreprise, elle permet d’atteindre, progressivement, une connaissance très fine des besoins de ce client, d’anticiper leur évolution et, donc, de mieux répondre à ses attentes (produit « sur-mesure », ventes croisées, etc.)… Voire de créer une véritable dépendance de ce client, dans la mesure où si celui-ci change de fournisseur, il perdra les services induits par la connaissance capitalisée de son fournisseur initial sur ses besoins particuliers et attentes.

À ce titre, il convient de souligner que le marketing 1:1 n’est pas nécessairement généralisable à tous les secteurs d’activité. Il n’a d’intérêt que dans ceux où il est effectivement possible d’établir une différenciation de la valeur des clients et/ou de leurs besoins.

La personnalisation a un coût et le marketing individualisé induit nécessairement un traitement différencié des clients, afin de limiter ses actions en direction de ceux dont la valeur stratégique (estimée à partir de leur « Life Time Value », espérance mathématique de marge) est la plus élevée.
Par ailleurs, l’entreprise cherche également à préserver un niveau de coût tolérable pour ses clients grâce à la « personnalisation de masse » qui consiste à produire des éléments de base standards pour ensuite les combiner de manière spécifique pour répondre aux attentes particulières de chacun.

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L’incidence du numérique sur la stratégie de segmentation et le ciblage

La généralisation de l’usage de terminaux numériques par les consommateurs est également à l’origine de nouveaux outils mobilisables par l’entreprise dans sa démarche de segmentation du marché et de définition de ses cibles.
En particulier, grâce aux cookies présents sur les sites web (qui mémorisent l’historique des visites, les préférences en matière de navigation et les paniers d’achat), aux autorisations des applications pour smartphones (qui fournissent un accès à différentes fonctionnalités ou données de l’appareil), voire à l’usage de spywares (logiciels espions, plus ou moins malveillants, enregistrant un grand nombre d’informations, parfois confidentielles, sur l’internaute) les entreprises disposent désormais d’une masse croissante d’informations sur les caractéristiques, les centres d’intérêt et les comportements des consommateurs.

Elles les utilisent désormais couramment, notamment en temps réel sur le web, pour affiner leur cible. Suivant la nature des données mobilisées, on peut distinguer différents modes de ciblage :

    • ciblage comportemental réalisé à partir de l’historique des pages visitées, des recherches effectuées, des produits mis en panier, des clics sur les bannières publicitaires, de la géo-localisation (par adresse IP ou coordonnées fournies par les smartphones).
    • ciblage socio-démographique réalisé à partir des profils diffusés sur les réseaux sociaux
    • ciblage psycho-graphique réalisé à partir des centres d’intérêt et opinions exprimés sur les réseaux sociaux.

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Conclusion 1 : les défis posés par l’économie collaborative

Le développement de plateformes communautaires sur Internet est à l’origine d’une explosion des pratiques collaboratives et de l’émergence d’une nouvelle forme d’économie (dite « économie collaborative« ) dont les conséquences, bien qu’encore difficiles à cerner, risquent de s’avérer majeures pout les acteurs de l’économie traditionnelle (émergence de nouveaux business models, de nouvelles formes d’organisation, de management, de travail, d’innovation, etc.).
L’économie collaborative peut prendre de multiples formes :

  • consommation collaborative : elle s’appuie sur des sites permettant la vente directe ou la location de biens et services entre particuliers (Uber, Airbnb, Blablacar, Cookening, Sharewizz, Yooneed, etc.) ou des achats groupés (Groupon). Leur succès (35% des e-acheteurs auraient consommé collaboratif au moins une fois en 2014 et 60 % projetteraient de le faire en 2015, selon une étude FEVAD-CSA) trouve sa source à la fois dans des motivations d’ordre économiques (revenus supplémentaires et/ou économies réalisées) et éthiques (lutte contre le gaspillage, partage, rapport humain).
  • création collaborative (co-création) : elle s’appuie sur des outils permettant à différents acteurs (dont éventuellement les consommateurs) d’intervenir dans la conception d’un produit que ce soit en amont (spécifications souhaités) ou en aval (usages et expériences d’utilisation).
  • production collaborative (production participative ou externalisation ouverte ou crowdsourcing) : il s’appuie sur les services de partage de ressources et d’applications permettant une production collective, qu’il s’agisse de produire des connaissances (Wiki, Crowd science), de l’innovation (MakeSense) ou des produits (Fab labs, Makerspace).
  • financement participatif (crowdfunding) : il s’appuie sur des plateformes dédiées (généralement thématiques, prélevant ou non une commission) dont l’objectif est de mettre en relation investisseurs et porteurs de projets à la recherche de financement. Ce dernier peut prendre différentes formes (don, prêt ou participation aux capitaux propres) et permet d’éviter le recours aux acteurs traditionnels du financement.

De la même façon que le numérique, via le streaming, a complètement bouleversé la chaîne de valeur de l’industrie du film et de la musique, l’économie collaborative risque, elle aussi, de bouleverser la chaîne de valeur des acteurs de l’économie « traditionnelle » (Airbnb et Uber sont, à ce titre, des cas d’école) et d’imposer une remise en cause de leur stratégie.

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L’INCIDENCE DU NUMÉRIQUE SUR LE MARKETING OPÉRATIONNEL

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Politique de produit et Internet des Objets

L’Internet des Objets (IdO ou Internet of Things : IOT) désigne les échanges d’informations et de données provenant des objets connectés vers le réseau Internet.
Son domaine d’application est particulièrement vaste que ce soit pour les consommateurs (domotique, automobile, lunette, e-santé, Quantified Self, etc.) ou les industriels (maintenance prédictive, gestion de la production, amélioration de la chaîne logistique, etc.)… Et ouvre la voie à de nouveaux services créateurs de valeur, susceptibles de devenir, à brève échéance, une source essentielle de différenciation et d’avantage compétitif.

Néanmoins, pour pouvoir exploiter cette nouvelle manne, les industriels sont confrontés à 2 défis dont il convient de ne pas sous-estimer les risques :

    1. une inévitable collaboration avec des opérateurs du numérique déjà très puissants : derrière les partenariats naissants (dans la domotique, l’automobile, etc.), se profile déjà une lutte sévère pour le contrôle et l’exploitation des données les plus rentables générées par les objets.
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    2. la sécurisation de l’IdO : compte tenu de leur prolifération, de leur hétérogénéité (absence de standard) et de l’absence de moyen de protection robuste adaptée à leur capacité de calcul et de mémoire, les objets connectés soulèvent de très sérieux problèmes de sécurité (prise de contrôle à distance, vols de données, espionnage, etc.) qui, s’ils ne sont pas résolus rapidement, risquent de décourager leurs utilisateurs potentiels.

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Politique de prix et yield management

Le yield management (tarification en temps réel ou revenue management) désigne l’ensemble des techniques permettant, grâce à un réajustement permanent et en temps réel des prix, une optimisation de la gestion des capacités et, en conséquence, une augmentation du revenu global de l’entreprise qui le pratique.
Cette technique est apparue à la fin des années 1980 dans les compagnies aériennes américaines avant, de se diffuser, au cours des années 1990 dans de nombreux secteurs d’activité (hôtellerie, location de voiture, transport de colis, transport ferroviaire, parcs d’attraction, etc.), d’abord aux États-Unis puis en Europe.

Toutefois il convient de souligner que le yield management n’est pas nécessairement adapté à tous les secteurs économiques. Les activités où il confère un réel avantage concurrentiel présentent un certain nombre de caractéristiques communes :

  1. des produits ou services hautement « périssables » ou « non stockables » (siège d’avion, chambre d’hôtel, place de concert, etc.), dont la valeur devient nulle après une certaine date
  2. une capacité de production rigide, du fait de délais et coûts d’ajustement élevés par rapport à une demande extrêmement fluctuante ;
  3. des coûts variables unitaires très faibles (en général de l’ordre de 0 à 20 % du coût total). De ce fait, une augmentation, même faible, du revenu entraîne une amélioration importante du résultat ;
  4. un système de ventes par réservation permettant aux entreprises de commercialiser leurs produits ou services avant leur date effective d’usage ;
  5. une élasticité de la demande au prix variable suivant les segments de clientèle (ce système permet d’optimiser le revenu généré en captant les consommateurs dont la demande est fortement élastique par rapport au prix grâce à des tarifs bas, tout en préservant les opportunités offertes par les consommateurs faiblement sensibles au prix grâce à des quotas de vente par niveau tarifaire).

Dans ce type contexte, le responsable qui cherche à maximiser son chiffre d’affaires est confronté à l’alternative suivante en matière de politique de prix :

  • soit maintenir son produit à un prix élevé, quitte à ne pas écouler l’intégralité de sa production, afin de s’assurer la recette moyenne par client la plus élevée possible.
  • soit commercialiser son produit à un prix faible, quitte à perdre des opportunités de vente à un prix plus élevé, afin de s’assurer le volume total d’affaires le plus élevé possible.

Aucune de ces deux options n’est, à priori, supérieure à l’autre. Chacune d’elles est susceptible, suivant le contexte (situation personnelle des clients, niveau de la demande, événements extérieurs), de maximiser le chiffre d’affaires. La tarification en temps réel vise, justement, à éviter le dilemme posé par ce choix en permettant un arbitrage permanent entre ces deux solutions.
À ce titre, le yield management est considéré comme un système « gagnant-gagnant » dans la mesure où :

  • l’entreprise, en ajustant son offre à la demande, peut augmenter son chiffre d’affaires (captation de volumes supplémentaires de demande) et son résultat (optimisation du prix de vente en fonction des fluctuations de la demande) ;
  • le consommateur, en choisissant sa prestation en fonction de ses propres contraintes financières et de disponibilité, peut obtenir des tarifs plus attractifs pour une même qualité de service.

Pour calculer, en temps réel, les meilleurs prix permettant d’optimiser le profit, le yield management s’appuie sur une modélisation prévisionnelle de l’évolution de la demande et exige l’utilisation d’ordinateurs permettant d’effectuer rapidement des calculs complexes et constamment révisés.
À ce titre son émergence et sa diffusion sont étroitement corrélées aux progrès réalisées dans le domaine des technologies de l’information et de la communication.
En particulier, le développement du e-commerce a largement contribué à sa généralisation. En effet, le réseau Internet permet à une entreprise de diffuser ses prix et la disponibilité de ses produits auprès, non plus de quelques centaines de revendeurs, mais directement vers des millions de consommateurs internautes (BtoC) ou des milliers d’intranets d’entreprises (BtoB) et d’obtenir, ainsi, un ajustement en temps réel plus fin et significatif.

Il est important de souligner que la tarification en temps réel marque une rupture importante dans la gestion traditionnelle de leur mix marketing par les entreprises. En effet, par crainte des réactions des concurrents (guerre des prix), les entreprises avaient, souvent, des réticences à utiliser la variable prix comme moyen de différenciation. Avec le yield management, cette dernière redevient une arme concurrentielle de premier plan et d’utilisation courante.
De plus la tarification en temps réel permet d’échapper à la logique des « prix catalogue » qui induit souvent une forte concurrence sur les prix, du fait des facilités offertes par Internet en la matière (« comparateurs de prix »).

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L’introduction du numérique dans les points de vente traditionnels

Grâce aux nouvelles solutions technologiques (tablettes tactiles, bornes interactives, réseaux wi-fi., etc.) les points de vente traditionnels tentent de « ré-enchanter » l’acte d’achat en magasin et de fidéliser leurs clients en récupérant des données leur permettant d’adapter au mieux leur offre à leurs attentes et motivations. La tendance est donc au « phygital » (utilisation du numérique pour renforcer les atouts du magasin classique) sachant que les outils utilisées sont multiples :

    • miroir connecté doté de capteurs visuels 3D permettant grâce aux techniques de réalité augmentée d’essayer « virtuellement » différents types de vêtement, de tester plusieurs coloris, d’afficher des informations complémentaires sur le produit ou de prendre une photo et de l’envoyer directement sur son réseau social.
    • capteurs beacons qui communiquent via la technologie BLE (Bluetooth Low Energy) avec les smartphones des clients pour leur délivrer des informations extrêmement variées et personnalisées (message de bienvenue ; offres personnalisées en fonction de ses goûts, de sa fidélité, du rayon dans lequel il se trouve ; gamification ; avis d’autres clients ; paiement sans contact, etc.).
    • puce RFID (Radio Fréquence Identification) : puce pouvant être intégré à l’étiquette d’un produit et permettant de suivre celui-ci à distance et en direct. Ses usages sont multiples : meilleur suivi des stocks, accélération du passage en caisse (les produits n’ont plus besoin d’être scanné), lutte contre la « démarque inconnue », etc.
    • application de géo-localisation pour que client puisse mieux se repérer dans les grandes surfaces et recevoir, s’il le souhaite, des informations contextualisées (promotion, ventes flash) en fonction de son historique d’achats.
    • bornes interactives (ou équipement en tablette des vendeurs) pour retrouver en magasin les articles repérés en ligne ou acheter ceux qui ne sont pas en stock en boutique.
    • équipement des vendeurs de tablette et d’applications leur permettant de suivre de bout en bout la relation client (information conseil, édition du bon de commande et encaissement) afin d’accélérer le processus de transformation du visiteur en client.
    • « e-ticket de caisse » envoyés par e-mail aux clients intéressés qui, outre l’économie de papier et d’encre réalisée, permet aux distributeurs de se constituer un historique précis des achats de chaque client, ce qui ouvre la voie au commerce personnalisé (couponing ultra-ciblé,, suggestions d’achat, etc.) et même prédictif (« pré-shopping list »).
    • etc.

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Les enjeux du passage d’une stratégie multi-canal à une stratégie cross-canal

La notion de stratégie multicanal renvoie à l’utilisation simultanée de plusieurs canaux de « contact » pour la commercialisation des produits et/ou la relation client (le terme « multicanal » dépasse donc le cadre étroit des qualificatifs utilisés traditionnellement pour qualifier la politique de l’entreprise en matière de distribution ou de communication).
Ce concept est récent et son emploi s’est développé avec l’émergence des canaux digitaux à côté des traditionnels canaux d’interaction avec le client (point de vente, téléphone, courrier) et avec la prise de conscience, par les entreprises, de l’intérêt de mixer canal de distribution physique et virtuel (« brick & click«  ou « mortar & click« ) même s’il convient de garder en mémoire ses inconvénients :

Multicanal

L’expérience montre que les points de vente virtuels, loin d’être substituables sont plutôt complémentaires des points de vente physiques (des pure players traditionnels comme Amazon, commencent d’ailleurs à investir dans des points de vente physiques). Du point de vue des consommateurs, chacun présente 2 attraits spécifiques principaux sur lesquels il convient de capitaliser :

  • canal virtuel : présence de comparateur de prix et diversité des produits proposés
  • canal physique : possibilité d’essai du produit et facilité d’échange

L’intérêt d’une stratégie multi-canal n’étant plus à démontrer, le débat tend, aujourd’hui, à se déplacer sur les moyens d’optimiser l’organisation les relations entre les différents canaux, compte tenu des types de synergie souhaités.
Face à un consommateur « omni-canal » (ou « trans-canal » c’est-à-dire pouvant être présent sur plusieurs canaux à la fois : smartphone utilisé en magasin, ordinateur utilisé lors d’un contact au centre d’appel, etc.), l’entreprise peut avoir intérêt à passer d’une stratégie multi-canal (utilisation de différents canaux fonctionnant de manière indépendante avec des objectifs et des stratégies propres) à une stratégie cross-canal (utilisation de différents canaux fonctionnant en synergie, de manière complémentaire, et partageant les mêmes objectifs et données).
Régine Vanheems distingue 4 degré possibles dans ce glissement vers une stratégie cross-canal :

  1. cohérence (niveau minimum) : harmonie logique entre les canaux recherchée à travers une cohérence d’identité visuelle et des informations communiquées.
  2. ‚convergence : fixation de buts communs aux canaux que ce soit en termes de maximisation des ventes globales, de satisfaction client ou de diminution des coûts… Ce qui impose une réorganisation de l’entreprise pour rapprocher des départements fonctionnant de manière indépendante.
  3. synchronisation : mise en place d’un fonctionnement synchrone des différents canaux (opérations communes, retrait ou retour en magasin des produits achetés sur Internet, etc.)
  4. intégration : offre commerciale identique sur l’ensemble des canaux (prix, assortiment, etc.)

Suivant le niveau d’intégration, il est possible de développer de multiples formules innovantes pour le client : « drive« , « click & collect« , « web to store« , « web in store« , etc.
Une stratégie cross canal est donc non seulement une réponse aux attentes des consommateurs, mais également une proposition de nouveaux services susceptibles de modifier dans le temps leur acte d’achat. Elle exige à la fois un investissement technique et une réorganisation profonde basée sur un décloisonnement des canaux et l’exploitation d’outils et des bases de données mutualisés.
Toutefois, dans ce cas, il est impératif que les points de vente physiques adaptent le rôle et le profil de leurs vendeurs à ce nouveau contexte. En particulier, ces derniers doivent être disponibles (donc en nombre suffisant), dotés d’une réelle « expertise » sur le produit (rôle d’information-conseil dominant vis-à-vis de clients ayant généralement déjà fait une première recherche sur Internet), doués en relationnel (la relation interpersonnelle continuant à jouer un rôle fondamental) et connectés (pour pouvoir tirer profit des synergies offertes par le cross-canal).

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L’irruption du numérique dans le mix de communication

L’intensification du taux d’équipement des ménages en outils numériques (environ 80 % des français sont connectés à Internet via un ordinateur) et la diffusion des outils mobiles (près de  90 % des français détiennent un téléphone mobile, 30 % un smartphone connectés à Internet, 60 % un ordinateur portable, 10 % une tablette) se traduit à la fois par une augmentation du temps passé devant les écrans (environ 5 h par jour) et de nouvelles façons de consommer les médias (multi tasking : utilisation simultanée de plusieurs moyens de communication ; catch up = replay, streaming, etc.).
Cette montée en puissance des outils numériques et de leurs usages n’a pas été sans conséquence sur le mix de communication des annonceurs, qu’il s’agisse de :

  1. Communication media : la publicité sur Internet représente désormais environ 15 % des dépenses média des annonceurs en France et prend 2 grandes formes principales :
    • publicité graphique (display) : achat classique d’espaces sur les sites afin d’y insérer des messages publicitaires. Ces derniers peuvent prendre un grand nombre de formes différentes, notamment : bannière simpleouanimée (format classique, peu intrusif, mais à l’efficacité très variable suivant sa capacité à capter l’attention), bannière expand (bannière interactive dont le contenu se déploie lorsque la souris passe dessus), Skycraper (bannière verticale, le plus souvent placée à droite de la page), pop-up (fenêtre apparaissant au moment du changement d’une page), pop under (variante du pop-up qui s’affiche non pas au-dessus mais au-dessous de la page active et qui n’apparaît donc qu’au moment de la fermeture de la page consultée), flash transparent (animation de courte durée, créée sur un calque transparent permettant de visualiser le reste de la page pendant son déroulement), interstitiel (page web qui se charge avant l’arrivée de la page d’accueil d’un site ou entre deux pages d’un même site, pendant la transition), etc.
      L’intérêt principal de la publicité sur Internet est qu’elle permet un ciblage comportemental (Behavioral targeting ou BT) qui consiste à personnaliser le contenu de la publicité en fonction du comportement de l’internaute (identifié via son historique de navigation et les cookies des sites visités) et de son son activité sur les réseaux sociaux (identifié via ses avis et recommandations).
    • liens commerciaux : initialement il s’agissait uniquement des liens publicitaires au format texte s’affichant sur les pages de résultats des moteurs de recherche (généralement au-dessus et à droite des résultats naturels) mais, aujourd’hui on y intègre également les liens publicitaires au format « texte & image » s’affichant sur Facebook ou des sites éditoriaux (dans ce dernier cas, on parle d’affiliation et on qualifie de « liens contextuels » les liens commerciaux contextualisés en fonction du contenu de la page consultée).
      Ce type de lien est extrêmement efficace car il permet de soumettre un message publicitaire à un internaute en situation de recherche d’information. Ceci explique que le budget « liens commerciaux » représente à lui seul le plus gros poste budgétaire de la publicité sur Internet (environ 60 %).
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  2. ‚ Communication hors-média / personnalisée : les technologies du numérique ont investi le champ de la communication personnalisées grâce à la souplesse, à la rapidité et au faible coût des outils de communication qu’ils proposent (opérations d’e-mailing et de sms-mailing).
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  3. ƒ Communication hors-média / de proximité : les nouvelles technologies offrent également des outils de communication innovants, qui remettent en cause la classique frontière média / hors-média.
    Le plus emblématique de ces outils est probablement le code-barres en 2 dimensions (QR code pour Quick Response ou Flashcode ou DataMatrix). Ce petit carré noir et blanc se lit grâce à une application dédiée, installée sur un smartphone ou une tablette et peut être apposé sur le produit lui-même ou sur un support publicitaire quelconque (annonce presse, affiche, etc.). Sa palette d’utilisation est extrêmement vaste, sachant que sa simple lecture peut déclencher, au choix, un grand nombre d’actions possibles : afficher une page web d’informations complémentaires, générer un formulaire de participation à un concours, éditer un coupon de réduction numérique (m-couponing), déclencher un appel téléphonique vers un service commercial, lancer une vidéo de présentation, déclencher un achat en ligne dans un showroom, partager une information ou générer un avis sur un réseau social, envoyer un mail ou un SMS, accéder à un agenda pour une prise de RdV, etc.

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Vers une nouvelle forme d’intermédiation de la relation client ?

Ces dernières années, les entreprises ont largement utilisé le phénomène des réseaux sociaux pour fédérer une « communauté » autour de leur marque, que ce soit pour créer le buzz, pour tisser des liens plus étroits avec leurs clients ou pour produire du contenu.

À cet égard, il est intéressant de relever une évolution en la matière :

    •  utilisation des réseaux sociaux classiques (« réseaux non brandés ») pour dialoguer avec les clients. Toutefois, au regard de la masse des personnes affiliés à ce type de réseau, le volume des échanges reste marginal et de petites équipes de « community managers » suffisent généralement à gérer ces échanges (peu de clients pensent spontanément à Facebook pour s’exprimer spontanément sur une marque… Twitter est probablement plus utilisé à ce niveau).
    • ‚ mise en place d’un réseau social appartenant à la marque (« réseaux sociaux brandés ») qui s’avèrent beaucoup plus utilisés dans la relation à la marque et qui, sous réserve de sa maîtrise (une marque défaillante pouvant vite être prise à partie), permet d’établir une communauté relationnelle plus efficace et à moindre coût (par exemple mise à jour d’une FAQ par les clients eux-mêmes qui apportent à la fois du lien social, une plus grande réactivité et une expertise pratique).
    • ƒ émergence de plateformes « non brandées » dédiées à la relation client dans les pays les plus avancés en matière de pratiques communautaire (par exemple : le site brésilien de réclamations Reclame Aqui permet aux consommateurs de déposer une réclamation sur un produit, quel qu’il soit, dans l’attente d’une réaction de la marque dont l’efficacité fera l’objet d’un classement ultérieur ; le site californien Instaply propose de mettre directement en relation clients et marque via une application de messaging ; etc.).
      Cette dernière tendance n’est pas sans évoquer le VRM (Vendor Relationship Management, par opposition au Customer Relationship Management), puisque le client émet publiquement sa demande dans l’attente que les fournisseurs concernés lui répondent. Il s’agit donc d’une inversion complète de la relation client « communautaire brandée » (où les clients « travaillent » pour les marques), lourde de conséquences puisqu’il s’agit de plateforme tierce sur lesquelles les marques n’ont aucun contrôle et où les clients attendent qu’elles se mettent à nouveau à leur service.

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Le marketing viral

On qualifie de marketing viral les opérations de communication visant à provoquer et amplifier les phénomènes de recommandation en s’appuyant sur le classique phénomène de « Bouche à Oreille » (BàO) mais en cherchant à l’orienter et à en accélérer le mode de transmission grâce à l’utilisation d’Internet. Le qualificatif « viral » traduit un mode de propagation proche de celui d’un virus (diffusion pyramidale engendrant à la fois une forte couverture et une grande vitesse de transmission).

Les opérations de marketing viral peuvent prendre différentes formes :

  • buzz marketing : technique qui consiste à créer une rumeur ou un bruit de fond médiatique (que ce soit online ou offline) avant la sortie d’un produit, d’un film ou d’un service. Certaines agences recrutent des « brand evangelists » (évangélistes de marque) volontaires et chargés de différentes actions susceptibles de créer une rumeur favorable à un produit ou une marque.
  • marketing furtif (undercover marketing ou « guérilla marketing« ) : actions dans le cadre desquelles la marque ou l’entreprise ne souhaite pas être identifiée comme étant à l’initiative du phénomène de communication (fausses contributions personnelles sur des forums, faux sites personnels, etc.)… Ce qui n’est pas sans soulever de sérieuses questions déontologiques !
  • marketing communautaire : actions visant à former ou soutenir des niches communautaires susceptibles de partager un intérêt pour une marque (groupes d’usagers, fan-clubs, forums, etc.).

Les deux facteurs les plus utilisés (et donc, vraisemblablement, les plus efficaces) pour déclencher un phénomène viral sont : le profit (pour soi-même ou un tiers) et l’humour.
Toutefois il convient de signaler que les succès les plus notables en la matière relèvent davantage du « bouche à oreille électronique spontané » que du marketing viral au sens strict (la communauté des internautes s’avère très vigilante et rétive à toute tentative de manipulation commerciale).

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Conclusion 2 : les nouveaux métiers du marketing et de la relation client

Bien que leurs contours restent encore assez flous, on peut identifier 3 grands types de nouveaux métiers liés à l’importance croissante prise par le numérique dans la démarche marketing :

  1. métiers liés au référencement et à l’acquisition de trafic des sites web : ensemble des fonctions permettant de donner de la visibilité à l’entreprise sur internet et, notamment, celle de « responsable acquisition » qui vise à développer le trafic et les « leads » (contacts commerciaux) pour acquérir de nouveaux clients à travers l’ensemble des leviers possibles : SEO (Search Engine Optimization), SEM (Search Engine Marketing), display (publicité sur Internet), affiliation, reciblage publicitaire, etc.
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  2. Métiers liés à la gestion de l’image numérique de la marque et de l’ensemble de ses contenus sur les réseaux sociaux, le web et les mobiles : outre le classique « rédacteur web« , on peut  désormais trouver :
    • le « content manager«  (ou « responsable de la stratégie de contenu », « directeur éditorial », « brand content manager« ) qui a la responsabilité de la création des contenus, de la trace numérique de l’entreprise sur les différents supports numériques (blogs, réseaux sociaux, sites web) et de la gestion de son e-réputation.
    • le « social media manager«  qui définit et met en œuvre la stratégie commerciale sur les réseaux sociaux (relation client, service client, lancement de produits, Relations Publiques, etc.). Il encadre les éventuels « community managers » (CM ou « gestionnaires de communauté« ) dont le rôle est d’animer et fédérer des communautés sur Internet.

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  3. Métiers de la connaissance et de la relation client liés à l’analyse des données :

    • le « chief data officer«  (CDO ou « administrateur général des données ») qui est chargé à la fois de veiller au recueil et à l’exploitation des data pour en tirer de la valeur, ainsi qu’à l’intégration des résultats de leur analyse dans la prise de décision.
    • le « data analyst«  analyse les données sur les clients et prospects que l’entreprise récupère par différents canaux afin d’en tirer de la connaissance et de la restituer sous forme de prospective, de conseils, de propositions d’amélioration du produit, etc.
    • le « data scientist«  a un rôle très proche de celui du data analyst mais son orientation est plus « business ». Cette fonction est apparue plus récemment, en relation avec l’émergence du « big data« . Elle requière des connaissances à la fois en statistique, informatique et marketing afin de pouvoir identifier, à travers l’analyse des data, des opportunités de développement.

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  4. Autres :

    • le « chief digital officer«  (CDO … à ne pas confondre avec le « Chief Data Officer » !) est chargé du pilotage de la transformation numérique de l’entreprise. La fonction est nouvelle et ses contours encore flous, toutefois 2 points essentiels font partie de ses priorités : la « gestion des données » et la diffusion de la « culture numérique » (notamment à travers une collaboration étroite avec le DRH en matière de recrutement et de formation).

Jusqu’à très récemment ces fonctions étaient externalisées car considérées comme une affaire de spécialistes. Cependant, aujourd’hui, beaucoup d’entreprises cherchent à les intégrer, même si les PME continuent à privilégier des profils plus généralistes de type « responsable marketing digital« .

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CONCLUSION : vers l’avènement d’un marketing 10.0 ?

Le marketing 2.0 n’est qu’une étape d’un processus continu. Ainsi, le développement des outils et des usages du numérique a déjà conduit Philip Kotler à théoriser les bases du marketing 3.0 et 4.0 !
À ce titre, il n’est peut-être pas inutile de rappeler les principales caractéristiques de chacune de ces versions du marketing :

  • marketing 1.0 : marketing traditionnel centré sur le produit. Il s’appuie aussi bien sur les 5 mass-médias classiques que sur le web (bannières, publicités natives, affiliation, emailing, référencement payant, etc.) dans la perspective de mieux exposer le produit.
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  • marketing 2.0 : marketing centré sur le client. Il est lié à l’émergence du web 2.0 (web interactif où chacun peut s’exprimer et partager à travers des blogs, forums ou les réseaux sociaux). À travers notamment le « brand content », l’objectif devient de générer de l’engagement chez les clients et d’en faire des « ambassadeurs » de la marque. Il se traduit également par une personnalisation croissante de l’offre (voire à des expériences de co-conception de l’offre).
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  • marketing 3.0 : marketing centré sur l’humain et les valeurs. Il ne s’adresse plus à des consommateurs, mais à des êtres humains pris dans leur globalité. Il se veut à la fois collaboratif, culturel et porteur de sens, face à des consommateurs qui privilégient l’usage et la jouissance à la possession et dont l’acte d’achat devient plus citoyen (préférence du « consom’acteur » pour le made in France, le bio, les circuits courts, le recyclage, etc.).
    Il s’inscrit dans la tendance du « Making the world a better place » et a conduit à l’émergence du content marketing (« marketing de contenu » qui propose des contenus à valeur ajoutée pour créer une relation choisie et durable avec les individus) et du design thinking (qui consiste à concevoir des produits ou des offres à partir des besoins réels et des contraintes des consommateurs, afin de fluidifier et simplifier leur expérience client).
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  • marketing 4.0 : marketing centré sur la donnée. Il s’appuie sur une exploitation systématique et automatisée du big data (grâce à l’intelligence artificielle, aux algorithmes prédictifs, au machine learning, etc.) afin d’encore mieux prédire le comportement et les attentes de chaque consommateur pris individuellement et d’optimiser les performances en anticipant leurs besoins.
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  • … Et, sachant que, demain, les objets connectés apporteront encore plus de données, certains envisagent déjà l’émergence d’un marketing 5.0 centré sur l’Internet des Objets.

Toutefois, comme le souligne fort justement Frédéric Cavazza, chaque nouvelle génération de marketing ne remplace pas l’ancienne. Leurs outils et démarches se complètent et s’alimentent réciproquement, sachant que nous utilisons tous, au quotidien, des médias, supports et outils à la fois analogiques et numériques.
Les pratiques du marketing 4.0 ne remplacent donc pas les autres, elles permettent simplement d’optimiser les actions liées à la visibilité de l’offre (1.0), d’améliorer le traitement des conversations (2.0) et d’affiner la modélisation du parcours client (3.0)… À ce titre, avec un peu de malice, cet auteur propose de parler de marketing 10.0 :

Mktg 10.0

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Sources principales  :
- « Management de la relation client », P. Alard, Microsoft Executive Summit.
- « Le marketing digital« , B. Martin, site du CREG, sept. 2013.
- Nombreux articles de L’Usine Nouvelle (2013-2015).
- « Marketing 4.0 : buzzword ou vraie évolution des pratiques ?« , dossier collectif, proposé par Le Hub de La Poste, févr. 2017.