LE GÉOMARKETING

 (Pierre Célier, Revue du CPA-EG, ENSET de Mohammedia, juin 2009)
.
SOMMAIRE :
LOGIQUE DU GÉOMARKETING
CHAMPS D’APPLICATION DU GÉOMARKETING
DÉMARCHE GÉNÉRALE ET OUTILS DU GÉOMARKETING
….. Démarche générale
….. Les cartes
….. Les données
….. Le Systèmes d’Information Géographiques (SIG)
….. Autre outils complémentaires
MISE EN PLACE D’UNE SOLUTION GÉOMARKETING
COÛT DES SOLUTIONS GÉOMARKETING
LIMITES DES ÉTUDES GÉOMARKETING
PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT DES OUTILS DE GÉOMARKETING
.
GLOSSAIRE DE TERMES DU GÉOMARKETING
.
>>> Retour à la page « Le néo-marketing : techniques et outils »

.

LOGIQUE DU GÉOMARKETING

De nombreuses sciences (sociologie, éthologie, économie, politique, géographie, etc.) et disciplines appliquées (urbanisme, aménagement, etc.) ont intégré la notion d’espace dans l’étude du comportement des hommes. Il n’est donc pas surprenant que le marketing ait été, à son tour, tenté d’introduire cette dimension dans son traitement des données (sociologiques, démographiques, économiques, comportementales), notamment dans un contexte où la multiplication de la variété des types de consommateurs, de l’offre concurrentielle et des moyens de distribution, incite les entreprises à développer une offre adaptée à chaque demande individuelle (marketing « One to One »).

Le géomarketing peut se définir comme « l’ensemble formé par les données, le système informatique de traitement et les méthodes appliquées par un analyste, qui concourent à produire des informations d’aide à la décision sous forme de représentations spatiales liées à de la cartographie, plutôt que sous forme de graphiques ou de tableaux » (Latour et Le Floc’h in « Géomarketing », éditions d’Organisation, 2001).
Son but est donc de prendre en compte, à des fins marketing, la réalité spatiale des activités économiques en utilisant la force de visualisation offerte par les cartes géographiques pour la résolution et la compréhension des problèmes.
Il vise notamment à révéler et mesurer l’incidence de la localisation sur l’activité de consommation, sur la concurrence et d’une manière générale sur toutes les composantes du mix. Pour cela, il s’appuie principalement sur des Systèmes d’Information Géographique (SIG), permettant de traiter des bases de données en mettant en relation les informations habituellement utilisées en marketing (pour les individus : âge, sexe, PCS, etc. – pour les entreprises : nombre d’enfants, revenu, type d’habitation, etc. pour les ménages – effectif salarié, secteur d’activité, chiffre d’affaire, etc. ) avec des données cartographiques permettant de les situer dans l’espace.

Le géomarketing est né aux USA dans les années 1980. Son apparition trouve son origine dans la volonté des entreprises « régionales » désireuses d’atteindre une échelle nationale, d’apprendre à connaître des marchés et des clients différents de ceux dont elles avaient l’habitude.
Toutefois, il n’a pris son essor qu’avec le développement des NTIC. Dans la pratique, les applications de cartographie informatisées sont longtemps restées limitées. Si, dès les années 1990, les cabinets en géomarketing se sont multipliés, leurs travaux consistaient essentiellement à colorier des cartes ou à faire apparaître des indicateurs divers, dont les capacités d’aide à la décision restaient très pauvres. Ce n’est qu’avec l’apparition des puissants outils d’étude et de traitement de bases de données à caractère commercial (data mining) que le géomarketing a montré sa capacité à produire des informations stratégiques ou opérationnelles pertinentes et utiles aux décideurs.
En particulier, il peut fournir des indicateurs pertinents sur les découpages du territoire de l’entreprise et permettre d’identifier ses axes de développement potentiels et ses faiblesses. Ce type d’informations peut se révéler particulièrement appréciable tant en terme de veille concurrentielle que de coordination des plans de développement de réseaux, de détection de nouveaux prospects, d’optimisation de l’organisation et de l’action commerciale et marketing, etc. Le champ d’application du géomarketing se révèle donc particulièrement large.

.

CHAMPS D’APPLICATION DU GÉOMARKETING

Selon le contexte et l’objectif de l’étude, le géomarketing s’attache à analyser la distribution spatiale des lieux d’échange ou de consommation de biens, de services ou d’information.
Que ce soit dans le domaine du « B to C » ou du « B to B », la prise en compte de l’espace dans les décisions marketing peut concerner les trois grands champs du marketing : l’étude du comportement du consommateur, la mercatique stratégique et la mercatique opérationnelle.

Il apparaît difficile d’énumérer toutes les applications possibles du géomarketing, tant celles-ci sont nombreuses et variés. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous pouvons toutefois rappeler quelques uns des domaines où il a déjà largement fait les preuves de son intérêt :

  • Études de marché et prévision : meilleure compréhension du comportement du consommateur grâce à une prise en compte de ses dimensions topographiques et culturelles – évaluation du potentiel économique d’une activité nouvelle ou de l’opportunité d’un déploiement d’infrastructure sur un territoire donné – choix du lieu d’implantation d’une activité ou d’une installation (par exemple trajet de câblage d’un réseau de télécommunication [1]) nécessitant la prise en compte d’un grand nombre de critères (typologie habitants de la zone, intensité concurrentielle locale, niveau de desserte, etc.).
  • Le marketing direct : traitement qualifiant des bases de données ou fichiers pour mieux cibler et optimiser des opérations de publipostage (mailing) ou de télévente (phoning).
  • Communication médias : cartographie des zones de couverture des différents supports et de leurs performances sur les cibles de l’entreprise (par exemple en croisant les trajets empruntés par les individus composant la cible et les réseaux d’affichage).
  • Publicité directe : repérage cartographique et délimitation précise des zones de distribution d’imprimés sans adresse.
  • Merchandising : tableau de bord de gestion des magasins et de leurs linéaires en temps réel (« cartographie des linéaires » d’un magasin).
  • Gestion de la force de vente : définition de secteurs commerciaux équilibrés en terme de potentiel sur la base de plusieurs critères (nombre de clients, chiffre d’affaire, nombre de prospects, potentiel de marché, temps et distance d’accès, etc.) – repérage des zones de prospection prioritaires (par exemple identification des distributeurs localisés dans des zones de forte concentration des cibles marketing de l’entreprise) – analyse des performances des équipes commerciales.
  • Tableaux de bord et reporting : performance des marques et produits (pénétration démographique des consommateurs, présence par zone) – mesures de pénétration concurrentielle.


 .

DÉMARCHE GÉNÉRALE ET OUTILS DU GÉOMARKETING

Par nature le géomarketing est au confluent de trois disciplines : la cartographie, la géographie et le marketing. L’étude des comportements humains géographiques, avec un objectif marketing, nécessite donc une maîtrise des techniques et outils propres à chacune de ces disciplines.
.

Démarche générale

Schématiquement, la démarche du géomarketing s’articule autour de trois étapes principales : positionner un fichier d’adresses sur une carte (technique de « géocodage » spécifique au géomarketing, relevant plus du traitement de l’adresse et des modes de structuration des données postales que de l’analyse cartographique) puis superposer sur cette carte des informations sectorielles et, enfin, s’en servir pour répondre à une question précise ou pour simuler des hypothèses plus incertaines.
.

Les cartes

La carte est un élément nécessaire à la mise en œuvre du géomarketing. Les données cartographiques utilisées dans le cadre du marketing géographique incluent les informations habituellement disponibles sur une carte papier qu’il est donc possible d’utiliser comme « fonds de cartes » (découpages administratifs : nationale, régionales, départementales, communales, unités urbaines, quartiers – représentation des voies de communication : réseaux routiers, ferroviaires, hydrauliques – etc.).
Les cartes sont utilisées principalement comme repères et pour créer un lien spatial entre les données statistiques (économiques, démographiques, socio-démographiques, comportementales, déplacements des individus, etc.) utilisées. C’est ce lien, de nature « topologique », qui va permettre de produire des représentations des phénomènes étudiés ou de créer des modèles.
.

Les données

Les données destinées à alimenter le système géomarketing sont celles traditionnellement utilisées dans la démarche mercatique. Elles sont, en général, de nature socio-démographiques (âge, sexe, situation familiales, habitat, revenu, PCS, etc.), psychographiques (style de vie, attitudes, etc.) ou comportementales (déplacements, habitudes de consommation, avantage recherché, etc.).
Bien entendu, la qualité des résultats fournis par le SIG dépend directement de la pertinence et de la fiabilité  de ces données (exhaustivité, précision, unicité, actualisation).
.

Le Systèmes d’Information Géographiques (SIG)

Le Système d’Information Géographique (S.I.G.) est le logiciel utilisé pour réaliser les études de géomarketing. Il permet d’automatiser l’analyse des bases de données et de restituer les résultats sous forme cartographique. Les données traitées sont, ainsi, positionnées sur une carte ce qui permet de faciliter l’analyse, la compréhension et la visualisation des problèmes.

La création de cartes et l’analyse géographique ne sont pas, en soi, des procédés nouveaux, mais les SIG se présentent comme des outils performants permettant de créer des cartes, d’y intégrer des données, de visualiser des scénarios et de résoudre des problèmes complexes.
Suivant la nature des traitements proposés, il est possible de distinguer trois catégories de SIG : les systèmes de données géographiques, les systèmes de production cartographiques et les systèmes d’analyse spatiale.Les praticiens sont unanimes à souligner les limites de la « cartographie illustrative ».
Malgré leur éventuelle utilité, les représentations simples sous formes de points, de boules, de camemberts, d’histogrammes ou de codes barre ne peuvent décrire qu’un faible volume de données, sous forme fragmentée et s’avèrent, en définitive, purement descriptives.

La démarche géomarketing ne peut donc trouver tout son intérêt que si elle s’inscrit dans le cadre d’une analyse spatiale. Cette dernière pouvant se définir comme une « technique de traitement statistique et topologique des objets réels ou virtuels constituant l’espace qui a pour objectif de découvrir les lois ou modèles qui organisent rationnellement ces objets entre eux afin d’aider à la compréhension et à la maîtrise de l’étude des phénomènes qui s’exercent sur les dimensions de l’espace » (« Géomarketing : principes et applications », Latour et Le Floc’h – Éditions d’Organisation, 2001). Sa démarche générale s’articule autour des cinq étapes suivantes :

  1. Repérer et capter les informations utiles,
  2. Les localiser dans une structure qui les représente et les traite pour les mettre en relation,
  3. Mettre en œuvre une topologie mathématique,
  4. Générer des fonctions mathématiques en vue de traitements statistiques et topologiques,
  5. Restituer les traitements opérés sous formes d’images, de graphiques, de valeurs numériques, de textes.

Le recours à l’analyse spatiale exige une bonne maîtrise de techniques mathématiques et statistiques sophistiquées. Il s’agit donc d’un exercice complexe, requérant une extrême rigueur et réservé à des spécialistes.
.

Autre outils complémentaires

Les applications géomarketing doivent être conçues comme des systèmes ouverts permettant, le cas échéant, l’intégration des traitements proposés par d’autres outils.
Ainsi, des outils non spécifiquement marketing, mais conçus pour traiter des données géographiques, peuvent venir enrichir la démarche géomarketing de l’entreprise, par exemple :

  • système d’informations intégrant les données des réseaux routiers et doté d’algorithmes de calculs de transport dans la perspective de calculer et d’optimiser les itinéraires de tournés de livraisons.
  • logiciels de planification radio (qui déterminent des zones de diffusion hertzienne en fonction de la topographie d’un terrain) dans la perspective de permettre aux opérateurs oeuvrant dans le domaine de la radio, de la télévision ou des télécommunications d’intégrer les informations relatives à leur couverture géographique à toutes les étapes de leur démarche géomarketing (du choix de l’emplacement optimal des équipements d’émissions et réception jusqu’au repérage des zones de prospection commerciale prioritaire).
  • etc.

À l’inverse, des outils et méthodes n’étant pas conçus spécifiquement pour traiter des données géographiques, peuvent également être utilisés pour alimenter l’analyse géomarketing. En particulier, les outils de data mining sont susceptibles d’enrichir considérablement les données introduites en amont (ou ré-introduites, en aval) dans le SIG.

.

MISE EN PLACE D’UNE SOLUTION GÉOMARKETING

La mise en place d’une solution géomarketing ne peut, en aucun cas, se limiter à l’achat d’un SIG. Il s’agit d’un exercice complexe, assimilable aux démarches de construction de systèmes d’information marketing et requérant une structuration des architectures de données, un choix raisonné des outils de requête, d’analyse et de reporting et une organisation des flux d’information.

Très logiquement, la première étape, consiste à identifier la nature des informations géomarketing nécessaires aux diverses fonctions concernées de l’entreprise (marketing, communication, commerce, gestion des données, éventuellement production, etc.).
Il convient de définir précisément les besoins des utilisateurs potentiels du système (quels sont les sujets traités par ceux-ci qui ont un rapport quelconque avec la géographie et quelles informations seraient susceptibles de les aider dans leur prise de décision), de vérifier l’opportunité de ces besoins (quelle amélioration ces informations géomarketing  apporteraient-elles aux performances de l’entreprise) et d’examiner les conséquences de l’introduction de ce type d’informations géomarketing sur le système d’information/décision de l’entreprise (configuration des données, communication entre services) et sur son organisation générale.

Sur cette base, il est alors possible de concevoir un « plan d’usage cartographique » (véritable cahier des charges) à partir duquel l’architecture du système de géomarketing pourra être défini.
Suivant les objectifs assignés au système et les types d’applications choisis, les moyens techniques et humains à mettre en place seront très variables (solution centralisée ou non, offrant un plus ou moins grand nombre de fonctionnalités, évolutives ou non, accessibles à un nombre plus ou moins élevé d’utilisateurs, faisant l’objet de paramétrages spéciaux ou non, permettant ou non un accès direct aux différents « data mart » de la base principale, etc.). Aussi est-il préférable que cette approche soit effectuée avec l’aide d’un spécialiste en géomarketing qui précisera les différents outils possibles, leurs modalités d’implémentation et leurs contraintes pour chacun des besoins identifiés.
La mise en place d’un service central chargé de la coordination des besoins, de la mise en place des outils et des remontées d’analyses peut s’avérer particulièrement pertinente dans la perspective d’une assistance continue aux utilisateurs ainsi que d’une amélioration et d’un enrichissement progressif des applications de géomarketing existantes, en fonction des réflexions exprimées par les utilisateurs et de leurs éventuels nouveaux besoins.
Le choix de l’analyste principal, animant ce service central et chargé d’assurer la mise en place du système et de l’administrer s’avère déterminant. Tous les praticiens soulignent le rôle clé joué par celui-ci et déconseillent le recours, malheureusement courant, à un stagiaire ou un jeune étudiant pour mettre en place une solution géomarketing. En effet, ces derniers auront tendance à ne sélectionner que les logiciels sur lesquels ils ont été formé et risquent de ne pas avoir la force de recommandation suffisante pour que soient pris en compte tous les moyens qu’implique la démarche d’implémentation (restructuration de la bases de données, adaptation des méthodes de travail, réorganisation de l’entreprise, etc.).
Il est donc préférable soit de former ou de recruter un responsable géomarketing, soit de faire appel à un cabinet conseil. Le profil idéal d’un responsable géomarketing est celui d’un spécialiste marketing, ayant une expérience commerciale acquise sur le terrain et possédant une bonne connaissance de l’entreprise et de sa stratégie. Il doit, par ailleurs, posséder les qualités d’analyse et de synthèse nécessaires à tout homme d’études. Compte tenu de la portée des recommandations qu’il sera amené à faire, sa formation à l’outil géomarketing ne doit pas se limiter au seul usage des fonctions de celui-ci, mais également lui apporter une connaissance des fondamentaux de l’analyse cartographique et des principes et méthodes de construction de protocoles et processus d’analyse. Une telle formation nécessite donc un temps conséquent, mais il s’agit probablement de la partie la plus significative de l’investissement à consentir pour obtenir des résultats efficaces.

.

COÛT DES SOLUTIONS GÉOMARKETING

Comme dans bien d’autres domaines, une entreprise désireuse d’avoir recours au géomarketing est confrontée à l’alternative classique d’internaliser ou non la réalisation de ce type d’étude.
L’internalisation passe, bien entendu, par l’acquisition d’un logiciel spécialisé autour duquel des outils métier seront développés. Le marché offre désormais une large gamme de SIG, relativement performants et conviviaux, à des coûts extrêmement raisonnables (à partir de 2 500 € pour les plus basiques, à moins de 5 000 € pour les plus classiques).
Si le prix des logiciels ne constitue donc pas un frein financier, l’acquisition des données géographiques, éléments indispensables à l’alimentation du système, peut le devenir. En effet, ces dernières s’avèrent extrêmement onéreuses, d’autant plus qu’elles doivent être réactualisées régulièrement et que les grands fournisseurs français de statistiques (INSEE, IGN) semblent peu disposés à les diffuser sur Internet pour une consultation libre ou sur abonnement. Elles peuvent représenter de 30 à 80 % du coût global physique d’un SIG, suivant leur degré de finesse (ainsi, par exemple, un fond de carte IRIS 99, présentant les quartiers de France revient à environ 8 000 euros et à plus de 250 000 € s’il comporte le détail des rues des agglomérations françaises).
Enfin, comme signalé dans le paragraphe précédent, il convient également de ne pas négliger l’investissement en ressources humaines que suppose l’implémentation d’un tel système. Cet investissement, qui présente ses risques propres, peut s’avérer, finalement, supérieur aux coûts, pourtant conséquents des cartes et données.
En définitive, l’internalisation apparaît donc comme une solution coûteuse, plutôt adaptée aux grands comptes ou à des PME ayant des besoins précis récurrents et souhaitant acquérir une autonomie sur des problématiques basiques.

À contrario, l’externalisation peut s’avérer plus appropriée pour les PME ayant un besoin ponctuel et/ou n’ayant pas de compétences géographiques ou statistiques en interne.
Cette solution, qui consiste à commander directement auprès d’un cabinet spécialisé une étude géomarketing, semble désormais d’autant plus justifiée que la multiplication et la professionnalisation de ces officines ont contribué à la fois à une amélioration sensible de la qualité de leurs prestations et à une réduction de leurs tarifs (à partir d’environ 4 000 € pour une étude « basique »).
Cette démarche peut d’ailleurs s’avérer également intéressante, à titre temporaire, pour une entreprise souhaitant développer, à terme, une solution interne. En effet, ses échanges avec son consultant lui permettront à la fois de mieux identifier ses besoins réels, de tester la pertinence des fonctionnalités proposées par les différents SIG disponibles et de familiariser ses collaborateurs internes aux outils et techniques du géomarketing.

À mi-chemin entre ces deux options, les portails de « géo-business intelligence » sur Internet peuvent apparaître comme une troisième solution également bien adaptée à la situation des PME.
Ce concept récent (lancé en 1999 par Asterop.com) permet aux entreprises de croiser leurs propres données avec la plus importante banque de données géostatistiques mondiale, afin d’éditer en ligne des rapports synthétiques, au niveau de détail le plus fin d’un territoire, pour un faible coût (de 20 à plus de 500 € selon le produit et le niveau d’analyse souhaité).
L’intérêt de cette solution repose sur la mutualisation des coûts d’accès qui permet d’assurer à l’utilisateur le recours à des outils de qualité et à des données géostatistiques fiables (exhaustive et constamment actualisées) pour un tarif particulièrement compétitif.

.

LIMITES DES ÉTUDES GÉOMARKETING

Ainsi que le souligne P. Latour, le géomarketing repose notamment sur les trois postulats suivants :

  1. Il existe un lien rationnel de l’individu à l’espace qui fait que chaque individu pris au hasard dans un espace donné a une propension à se comporter comme n’importe quel autre individu du même espace.
  2. Les conditions de comportement dans l’espace ne sont pas illimitées car l’espace environnant une personne est spécifique.
  3. Le comportement d’une personne se matérialise dans un espace connu d’elle et dont l’élasticité est limitée.

Bien que « raisonnablement admissibles » ces postulats méritent d’être rappelés. Le comportement d’un individu est influencé par les résultantes des espaces démographiques et sociologiques auxquels il est soumis et il ne peut, bien évidement, être strictement identique à celui de son voisin. Il convient donc d’être particulièrement prudent quant à l’appréciation de la force du « lien rationnel » qui unit l’individu à son espace, en fonction de l’objet de l’étude et du contexte.

La qualité d’une étude géomarketing dépend étroitement de la précision et de la fiabilité des données utilisées. La qualification des fichiers disponibles doit donc faire l’objet d’une attention et d’une vigilance toute particulière afin de s’assurer de l’exactitude, de l’exhaustivité, de l’homogénéité et du degré de précision des données traitées.
À ce titre, la disponibilité et l’hétérogénéité des données peuvent tracer des limites « naturelles » à la mise en place d’études géomarketing, notamment dans un cadre international.

Le développement des capacités de la micro-informatique et la réduction du prix des logiciels censés « faire » du géomarketing [2] ont conduit de nombreuses entreprises à s’équiper, sans prendre le soin d’identifier clairement leurs besoins réels et sans mettre en place les compétences indispensables pour en tirer réellement parti. La prolifération des utilisations non maîtrisées des outils géomarketing a généré beaucoup de désillusions et déçus les attentes de nombreux utilisateurs.
Malgré leur apparente facilité d’utilisation et leur coût de plus en plus faible, les applications de géomarketing s’apparente à des outils de data mining. Ils réclament donc une approche professionnelle, impliquant les équipes des directions commerciales, marketing et informatique, ainsi qu’une véritable expertise. Il peut s’avérer dangereux d’y recourir sans précautions comme moyen d’aide à la décision. En effet, une carte parfaitement dessinée, désignant clairement au décideur la localisation de ses clients et la situation de ses cibles prospects, se révèle redoutablement convaincante. Le risque est que sa valeur persuasive, auprès de l’utilisateur non averti, soit finalement plus liée au degré de qualité et de précision du fond de carte utilisé, qu’à la fiabilité du traitement et de l’analyse des données géostatistiques qui y apparaissent.
Ainsi, à titre d’exemple, il est possible de s’interroger à la suite de Georges-Antoine Strauch (« La carte parle !« , 07/07/2008) sur la pertinence de la carte publiée par le quotidien « Les Échos » du 13/10/2003 et présentée ci-dessous. Celle-ci vise à représenter le degré de prévalence de la maladie d’Alzheimer dans les différentes régions françaises en 2002 et prétend ainsi classer ces dernières suivant leur risque d’occurrence de cette maladie. En fait, lorsque l’on sait que cette maladie touche essentiellement les personnes très âgées, il apparaît rapidement que cette carte ne fait que refléter les régions où les personnes de plus de 70 ans sont les plus nombreuses, ainsi que le montre la seconde carte, disposées en regard de la première :

Carte alzheimer France (2002) 1a

La carte publiée par « Les Échos »  ne fait, finalement, que refléter les disparités démographiques entre les régions françaises.
L’évaluation des disparités régionales en matière de prévalence de la maladie d’Alzheimer aurait nécessité un traitement différent des données faisant apparaître, région par région, la proportion des personnes atteintes de cette maladie parmi les personnes âgées de plus de 75 ans, comme dans la carte présentée ci-dessous :

 

Carte alzheimer France (2002) 3

« Part régionale 2002 des personnes de plus de 75 ans atteintes de la maladie d’Alzheimer »
Source
: Articque.com

Cette nouvelle carte, sensiblement différente de la précédente, fait effectivement apparaître les régions où le risque d’occurrence de la maladie d’Alzheimer est le plus élevé (ce qui soulève d’intéressantes questions de santé publique sur les raisons pouvant expliquer ces différences régionales).
Cet exemple, bien que caricatural, illustre bien les risques d’une utilisation non maîtrisée des outils géomarketing. Les conséquences d’une décision fondée sur une analyse erronée peuvent, en effet, s’avérer lourdes de conséquences pour les entreprises.

.

PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT DES OUTILS DE GÉOMARKETING

Les outils actuels de géomarketing ont encore un fonctionnement largement « statique », fondé sur l’analyse de données recueillies dans le passé. Au mieux, les bases de données sont mises à jours régulièrement, au pire les données sont obsolètes au moment de l’analyse.
Les nouvelles possibilités de traitement et de transfert des données offertes par le développement des NTIC, devrait contribuer à une accélération à la fois du rafraîchissement et de l’accès aux banques de données géostatistiques et, donc, permettre une amélioration significative de la fiabilité des analyses géomarketing ainsi qu’une réduction sensible de leur coût.
L’émergence, récente, du concept de portail de « géo-business intelligence » témoigne des potentialités offertes par Internet pour la généralisation de l’utilisation des applications géomarketing.

Par ailleurs, les progrès réalisés en matière de NTIC devraient également contribuer à l’émergence d’un géomarketing plus interactif, adapté aux usages mobiles, qu’il s’agisse, par exemple, de définir le géo-positionnement instantané d’un utilisateur du réseau de téléphonie mobile (pour répondre rapidement à ses éventuelles sollicitations commerciales) ou d’obtenir, en temps réel, via Internet, des informations actualisées associées à une adresse « géocodée » (par exemple : pour préparer une visite commerciale).

.

GLOSSAIRE DE TERMES GÉOMARKETING

- Analyse spatiale : technique de traitement statistique et topologique des objets réels ou virtuels constituant l’espace qui a pour objectif de découvrir les lois ou modèles qui organisent rationnellement ces objets entre eux, afin d’aider à la compréhension et à la maîtrise de l’étude des phénomènes qui s’exercent sur les dimensions de l’espace.

- Cartes vecteur : cartes « intelligentes ». Elles sont issues de la numérisation des cartes papier. Constituées d’objets auxquels on peut associer des informations, elles permettent de gérer des liens avec des données tableur que l ‘on peut visualiser.

- Cartes raster : simples reproductions physiques de cartes papier. Elles sont lisibles, mais ne permettent aucun lien avec des données externes.

- Donnée localisée : donnée que l’on peut identifier géographiquement (plus de 80 % des données commerciales d’une entreprise le sont).

- Géocodage : localisation géographique de données alphanumériques (il s’agit notamment d’associer à une adresse postale ses coordonnées spatiales X et Y). Pour permettre à un utilisateur disposant d’une adresse postale de placer automatiquement le point associé, les SIG se sont dotés de géocodeurs spécifiques intégrés.
Par définition, une donnée localisée peut être géocodée. Le géocodage s’effectue de façon plus ou moins précise, à la commune, au quartier IRIS, à l’adresse précise, etc.

- Géomarketing : branche du marketing qui allie analyses statistiques et cartographiques dans une perspective d’optimisation de l’organisation et de l’action commerciale. Elle passe, notamment, par l’étude des flux entre le lieu de vie et de travail du consommateur et de son mode de consommation.

- Grille : mode de représentation des données économiques permettant d’agglomérer les informations de façon lisible selon un mode et une finesse qui sont liés au volume de données et à l’étendue du territoire étudié. Cette solution consiste à charger les données dans une grille superposée à la carte afin d’assurer une mise en densité automatique et de permettre, grâce à la structure matricielle obtenue, d’effectuer sur les données toutes opérations de type arithmétique, statistique ou booléen.

- Isochrone : tracé joignant les points d’une carte que l’on atteint à partir d’un point donné en un temps fixé (très souvent le point donné est un point de vente).

- Sectorisation : création de secteurs prédéfinis (carrés de section constante, IRIS, etc.) afin de faire des comptages de population.

- SIG (Système d’Information Géographique) : logiciel d’analyse, de synthèse et de représentation de données localisées.
Par extension, ce terme peut également servir à désigner l’ensemble des ressources associées à ce logiciel (base de données, logiciel, matériel, ressources humaines).
Un SIG permet de manipuler des bases de données géographiques planes (cf. « table géographique ») et, notamment de :

  • gérer des tables géographiques (création, mise à jour, affichage de la partie tabulaire et visualisation de la partie géographique, etc.),
  • afficher les différentes données géographiques disponibles, en modifiant les paramètres d’affichage (zoom et unzoom, déplacement latéral etc.),
  • réaliser des classifications sur une table (en attribuant aux objets un format graphique d’affichage spécifique en fonction des valeurs de la classification)
  • lancer des requêtes élaborées sur une table, qu’elles soient purement tabulaires (recherche des enregistrements vérifiant une condition donnée relative aux valeurs de champs nombres, chaînes, date ou booléens) ou spatiales (c’est-à-dire mettant en jeu toutes sortes de relations géographiques entre objets : relation d’intersection, relation d’inclusion, distance séparant deux objets, etc.)
  • mettre en page les dossiers cartographiques, en vue de leur impression.

- Table géographique : une table géographique est constituée d’une table classique (comportant des champs tabulaires de type chaîne, nombre, booléen, date), qui est toutefois enrichie par un champ spécifique « objet géographique » qui comporte la valeur d’un objet géographique géopositionné (en pratique, il s’agit d’une structure de données « record » comportant le type d’objet et la liste de ses coordonnées X et Y).

- Topologie : ensemble des relations spatiales (« est inclus dans », « est voisin de », etc.) existant entre les objets géographiques d’une carte. C’est dans la topologie que réside l ‘une des fonctions les plus caractéristiques d’un SIG : l’édition de requêtes spatiales.

- Zonage : créer des zones de chalandise

- Zones de chalandise : zone d’attraction commerciale entourant un point de vente et dans laquelle résident les consommateurs existants et/ou potentiels. Elles sont définies en fonction de deux indicateurs : la distance et le temps d’accès.


___________________________________

 [1] Ainsi, par exemple, l’installation du câble d’un opérateur Télécoms revient entre 60 000 et 200 000 € par kilomètre. Il est donc indispensable que celui-ci évalue et localise avec la plus grande précision possible ses prospects, toute erreur en la matière s’avérant très coûteuse.
>>> Retour au texte

[2] La plupart des logiciels proposés sont des systèmes d’information géographique qui, comme leur nom l’indique, sont destinés à traiter de la cartographie, mais pas des données économiques. Les quelques fonctions surajoutées au produit ne font que reproduire des modèles basiques, la plupart du temps fondés sur les seules notions de distance.
>>> Retour au texte
.

 

SOURCES PRINCIPALES :
- « Asterop ouvre la voie de la « géo-business intelligence« , Maxime Paulet (10/03/2009)
- « Géomarketing : principes et applications », Philippe Latour et Le Floc’h – Édition d’Organisation (2001)
- « Géomarketing : un nouvel outil au service des entreprises« , Carine Niot – Site : Indexel.net (03/01/2002)
- « Géomarketing, vite !… Mais pas trop« , Philippe Latour – Site : VisionaryMarketing.com
- « La grille : moyen fondamental de l’analyse en géomarketing«  – Philippe Lattour – Site : master-geomarketing.com
- « La modélisation gravitaire appliquée au géomarketing« , J.P. Grimmeau et B. Wayens – Site : Iag.asso.fr (22/04/2003)
- « Le géomarketing ou comment optimiser certaines actions marketing », Marina Lepan – Site : StrategicWatch.com
- « Le géomarketing traque les prospects« , Frédéric Thibaud – Action Commerciale n° 201 (25/05/2001)
- « Les SIG marient géographie et marketing« , Irénée Herbet – Site : Indexel.net (05/07/2001)
- « Modélisation en géomarketing : l’impossible simplification« , Philippe Latour – Site : Iag.asso.fr (20/09/2002)
-« La carte parle !« , Georges-Antoine Strauch – Site : Articque.com (07/07/2008)
- « Qu’est ce que le géomarketing«  – Site : Iag.asso.fr
- « Qu’est-ce qu’un Système d’Information Géographique«  – Christine C. de http://sig-pour-tous.forumactif.com
.
 >>> Retour au sommaire