L’INDICE DES PRIX AU MAROC : ICV OU IPC ?

 (Pierre Célier, Revue du CPA-EG, ENSET de Mohammedia, décembre 2007)
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SOMMAIRE :
Méthodologie de calcul de l’indice du coût de la vie (ICV) marocain
Différence conceptuelle entre un Indice du Coût de la Vie (ICV) et un Indice des Prix à la Consommation (IPC)
Caractéristiques du nouvel indice des prix à la consommation (IPC) marocain
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Traditionnellement l’évolution des prix de détail est mesurée au Maroc par un indice appelé « Indice du Coût de la Vie » (ICV).
Cet indice est calculé en comparant dans le temps, l’évolution du coût d’un panier fixe de produits, ce dernier étant défini en fonction des dépenses effectuées par une population-cible au cours d’une période de référence. En fait, l’IDC mesure donc la variation relative des prix de détail, celle-ci étant censée refléter l’évolution du coût de la vie.
La Direction des statistiques (département rattaché au H.C.P. du Maroc) a prévu de changer à la fois la structure et la dénomination de cet indice et de diffuser, à partir de janvier 2007, un nouvel indice appelé « Indice des Prix à la Consommation » (IPC).
Après avoir rappelé la méthodologie de calcul de l’IDC traditionnellement utilisé au Maroc (1), nous analyserons les différences conceptuelles entre un indice du coût de la vie et un indice de prix (2) avant de préciser les caractéristiques du nouvel indice (3).

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MÉTHODOLOGIE DE CALCUL DE L’INDICE DU COÛT DE LA VIE (ICV) MAROCAIN

Le calcul de l’IDC marocain repose sur l’évolution du coût d’un panier de produits.
Depuis la création de cet indice, dans les années trente, la composition de ce panier a, bien entendu, évolué afin de mieux cerner la réalité et de tenir compte des modifications de comportements de consommation des ménages. Initialement composé de 42 et 38 articles (un double indice était alors calculé pour tenir compte des différences de composition entre le panier des ménages marocains et européens, compte tenu de leurs différences d’habitudes de consommation), ce panier a été progressivement élargi à 111 (en 1958), puis à 210 (en 1972) et enfin à 385 articles comprenant 768 variétés de produits (en 1989).

La pondération des articles composant ce panier a également évolué. Initialement basée sur la structure des dépenses des ménages modestes de la ville de Casablanca, sa composition a été progressivement modifiée pour refléter la structure de consommation des ménages de la classe moyenne (cadres moyens, commerçants, indépendants non agricole, employés et ouvriers non agricoles) de 11 grandes villes du Royaume (Agadir, Casablanca, Fès, Kénitra, Marrakech, Oujda, Rabat, Tétouan, Meknès, Tanger et Laâyoune… Le monde rural étant donc exclu)
La pondération actuelle des produits composant ce panier s’appuie sur les résultats d’une « enquête de consommation des ménages » réalisée en 1984-85, dont les données ont été actualisées successivement en 1993 et 2002 sur la base des résultats des « enquêtes sur le niveau de vie » réalisées respectivement en 1990-1991 et 1998-1999.

Concrètement, les prix des articles sont relevés grâce à une enquête permanente auprès d’un échantillon fixe de points de vente.
Sur cette base, le calcul de l’ICV se fait grâce à une formule dite de « Laspeyre en chaînes » qui offre l’avantage de permettre une actualisation en continue du panier ainsi que des coefficients de pondération et de résoudre les problèmes induits par les produits saisonniers.

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DIFFÉRENCE CONCEPTUELLE ENTRE UN INDICE DU COÛT DE LA VIE (ICV) ET UN INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION (IPC)

Sur le plan conceptuel, un « indice du coût de la vie » est censé mesurer les changements des prix dont les consommateurs doivent tenir compte pour maintenir leur niveau de vie constant. Il fait référence à la théorie du consommateur (« indice à utilité constante ») et, normalement, doit prendre en compte la possibilité qu’ont les ménages de substituer un produit par un autre qui leur apporte le même degré de satisfaction, en fonction des variations des prix relatifs de ces produits.
Autrement dit, dans l’absolu, un indice du coût de la vie est censé mesurer l’évolution du coût minimal d’un ensemble de biens et services d’une utilité constante pour le consommateur, c’est-à-dire les dépenses minimales nécessaires au maintien de cette utilité constante. Son calcul passe donc par la détermination de « l’utilité certaine » procurée par la consommation d’un panier de produit au cours de la période de base puis, par l’évolution de cette « utilité certaine » au cours du temps en prenant en compte les possibilité de substitution des biens entre eux, d’apparition de nouveaux produits, de changements de qualité, d’émergence de nouveaux types de points de vente, etc.

Un tel concept s’avère intellectuellement séduisant pour appréhender l’évolution du niveau de vie, mais se révèle méthodologiquement extrêmement complexe à mettre en œuvre et à calculer.
Il suppose, en particulier, de retenir un panier de produits extrêmement large afin de tenir compte des éventuels effets de substitution et de recourir à une approche de la valeur d’utilité de ces produits basée sur leur coût d’utilisation et non d’acquisition (afin de tenir compte du jeu de l’éventuel système de redistribution sur le pouvoir d’achat des ménages).

L’indice des prix à la consommation est, quand à lui, un instrument de mesure qui fournit une estimation de l’évolution d’ensemble des prix des biens et services figurant dans un panier caractéristique de la consommation des ménages. Ce qu’il mesure, stricto sensu, n’est donc pas le « coût de la vie », ni même ses variations, pas plus que le niveau des prix, mais les variations moyennes du prix des biens composant ce panier.

Ainsi que nous l’avons vu précédemment, le calcul de l’indice ICV marocain s’appuie sur la mesure de l’évolution dans le temps du prix d’un panier-type de produits.
Comme le souligne M. Boumahdi Ilyes (in « ICV au Maroc : un indice des prix à la consommation ou un indice du coût de la vie ? »), compte tenu de sa méthodologie de calcul il conviendrait donc plutôt de parler d’un indice des prix à la consommation que d’un indice du coût de la vie. Cela n’enlève rien à l’intérêt de cet indice qui, par ailleurs, se révèle infiniment plus simple et pratique (car moins « subjectif ») à calculer.

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CARACTÉRISTIQUES DU NOUVEL INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION (IPC) MAROCAIN

Comme nous venons de le souligner l’évolution terminologique de cet indice n’est, en fait, pas vraiment surprenante et ne traduit, finalement, qu’une adaptation de son appellation à sa nature profonde. La réalité mesurée par cet indice est, en effet, moins l’évolution du coût de la vie proprement dit, que celle des prix à la consommation, même si ces deux phénomènes sont, bien entendu, extrêmement liés.

Par contre, il convient de souligner que l’évolution qui va toucher l’ancien indice ICV n’est pas seulement sémantique. La Direction de la Statistique a annoncé que le lancement de l’indice IPC en janvier 2007 s’accompagnerait également d’une mise à jour à la fois de :

  • son panier de référence : celui-ci va être élargi à 500 articles (avec 900 variétés de produits), les produits alimentaires restants prédominants (40 %).
  • la pondération des produits : celle-ci sera établie à partir des dernière données de l’enquête de consommation 2000-2001.
  • la couverture géographique : celle-ci passera de 11 villes couvrant 10 régions (Tanger et Tétouan faisant partie de la même région) à 16 régions économiques.
  • la population-cible : les catégories socioprofessionnelles actuellement représentées (classes « moyennes ») seront élargies pour couvrir l’ensemble de la population.
  • l’échantillon des points de vente : les relevés de prix toucheront désormais non seulement le commerce traditionnel mais également les GMS (Grandes et Moyennes Surfaces).

L’objectif visé est donc, clairement, de généraliser l’IPC à toute la population vivant sur l’ensemble du territoire marocain.
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Sources principales  :
- « ICV au Maroc : un indice des prix à la consommation ou un indice du coût de la vie ?« , Boumahdi Ilyes (article mis à jour en novembre 2013)
- « Pour comprendre l’indice des prix », A. Caillaud, INSEE Méthodes n° 81-82
- « Un nouvel ICV pour 2007″, M.K, L’Économiste, 24/05/2006
- « Inflation : pourquoi des taux si bas », Kompass Maroc, 24/05/2006
- « Le Maroc passera de l’ICV à l’IPC en 2007″, Drissi Bakhkaht, Éco-Maroc, 31/05/2006
- « L’indice du coût de la vie au Maroc », Site du Haut Commissariat au Plan, Glossaire
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